L’ANNULATION DU TITRE FONCIER AU CAMEROUN

L’ANNULATION DU TITRE FONCIER AU CAMEROUN

Le titre foncier est l’unique certification de la propriété immobilière. Il est délivré au terme d’une procédure rigoureuse et animée de bout en bout de publicité. Tout prétendant à un droit y relatif, disposant alors de tous les moyens et délais pour faire opposition, ou demander une inscription en cas de prétention élevée à un droit réel ou charge susceptible de figurer dans le titre foncier, ne peut donc en principe, y faire valoir des droits réels après sa délivrance, si la procédure d’immatriculation a été scrupuleusement respectée.  Ledit titre est donc définitif, inattaquable et intangible Ainsi, une victime de manœuvres dolosives, tiers à la procédure d’immatriculation d’un terrain, ne dispose d’aucun recours direct sur un terrain querellé dont il aurait été abusé, mais plutôt d’une action personnelle en responsabilité civile pour dommages et intérêts contre l’auteur de ce dol.

Toutefois, il est important de souligner que malgré ces caractères définitif, inattaquable et intangible du titre foncier, il peut cependant être soit modifié (à la suite d’une cession, d’un démembrement ou d’une fusion) soit rectifié (à la suite d’erreurs ou omissions) soit complètement annulé. C’est d’ailleurs ce dernier aspect qui consiste à retirer toute prérogative liée au titre foncier, qui nous intéresse en l’espèce. Il en sera ainsi en cas de manque de vigilance ou de complicité de l’administration ou même encore en cas de fraude du bénéficiaire, car nul ne peut prétendre à un droit légitime dans le fau ; et il y’a un principe fondamental de la justice qui souligne que « la fraude ne peut servir de titre à un droit ». Beaucoup d’ayants droit au Cameroun sont d’ailleurs victimes d’annulation de titres fonciers, notamment avec les vagues récentes d’annulation dans certaines régions du pays. Dans cette étude, nous verrons donc ensemble les conditions d’annulation d’un titre foncier, ses effets, mais surtout l’attitude à adopter lorsqu’on en est victime.

 

  1. LES CONDITIONS D’ANNULATION DU TITRE FONCIER

L’article 2 du décret de 2005 fixant les conditions d’obtention du titre foncier, dans ses alinéas 3, 5 et 6, est assez clair sur la question en disposant :

« (3) … le ministre chargé des Affaires foncières peut, en cas de faute de l'administration, résultant notamment d'une irrégularité commise au cours de la procédure d'obtention du titre foncier, et au vu des actes authentiques produits, procéder au retrait du titre foncier irrégulièrement délivré.

(5) Le retrait du titre foncier prévu à l'alinéa 3 du présent article ne peut, sauf cas de fraudes du bénéficiaire, intervenir que dans le délai du recours contentieux.

(6) Un titre foncier est nul d'ordre public dans les cas suivants :

-           lorsque plusieurs titres fonciers sont délivrés sur un même terrain ; dans ce cas, ils sont tous déclarés nuls de plein droit, et les procédures sont réexaminées pour déterminer le légitime propriétaire. Un nouveau titre foncier est alors établi au profit de celui-ci ;

-           lorsque le titre foncier est délivré arbitrairement sans suivi d'une quelconque procédure, ou obtenu par une procédure autre que celle prévue à cet effet ;

-           lorsque le titre foncier est établi en totalité ou en partie sur une dépendance du domaine public ;

-           lorsque le titre foncier est établi en partie ou en totalité sur une parcelle du domaine privé de l'Etat, d'une collectivité publique ou d'un organisme public, en violation de la réglementation ».

C’est dire que les requérants, parties ou tiers lésés, peuvent saisir l’autorité administrative compétente aux fins d’annuler un titre foncier dans un délai de 2 mois à compter de l’établissement de ce titre (délai non respecté en pratique à cause de l’information le plus souvent tardivement connue, de l’abus : solution jurisprudentielle). Au cas où ladite autorité, qui ne peut d’ailleurs prononcer l’annulation, que dans les hypothèses prévues ci-dessus rejette le recours, le requérant peut introduire un recours contentieux devant la chambre administrative de la cour suprême dans les 60 jours à compter du rejet du recours administratif sous peine de forclusion (voir la loi l’article 7 de la loi du 8 décembre 1975 sur les procédures devant la Cour suprême statuant en matière administrative).

Il en est de même pour les requérants qui sont contre l’annulation du titre foncier par le ministre : ils disposent d’un recours gracieux préalable devant cette autorité administrative, avant d’aller au contentieux devant le juge administratif.

A noter également que l’annulation du titre foncier n’est pas seulement administrative mais peut aussi être juridictionnelle ; nous ne nous y attarderons pas. Mais quand est-il des effets d’une telle décision ?

 

  1. LES EFFETS DE L’ANNULATION

Il convient de s’intéresser en l’espèce aux alinéas 4, 7 et 5 du même texte qui dispose :

« (4) Le retrait du titre foncier délivré entraîne la mutation sans frais dudit titre au nom du propriétaire initial, s'il s'agit d'un immeuble immatriculé. L'immeuble est remis au même et semblable état où il se trouvait avant la délivrance du titre, s'il s'agit d'un immeuble non immatriculé.

(7) La nullité du titre foncier prévue à l'alinéa 6 ci-dessus est constatée par un arrêté du ministre chargé des Affaires foncières, susceptible de recours devant la juridiction administrative compétente 

(8) Les agents publics reconnus auteurs ou complices des actes irréguliers ayant entraîné le retrait ou la constatation de nullité d'un titre foncier, sont sanctionnés conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi n° 80/22 du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale ».

C’est dire simplement que si une immatriculation irrégulière est intervenue, la nullité du titre est absolue c’est-à-dire avec effet rétroactif à l’égard de tous, considérant ainsi, qu’il n’a jamais existé. Le titre résultant du morcellement par exemple, sera annulé et le terrain retombera automatiquement dans le titre mère régulièrement établi et demeurera pour le propriétaire de ce titre. En revanche dans l’hypothèse d’un retrait de titre d’un terrain qui n’était pas immatriculé au départ, mais qui, à l’arrivée, l’a été frauduleusement, le terrain retombe dans son domaine d’origine (domaine national, public ou privé de l’Etat). Les agents publics véreux ayant facilité de telles manœuvres pouvant également être poursuivis.

En définitive, malgré l’inadéquation de la loi avec la pratique foncière sur l’effet rétroactif de l’annulation du titre foncier, lorsqu’on sait que dans la plupart de ces titres, des ventes, des morcellements, des mutations… ont été opérés, il faut souligner tout de même que si le terrain retombe dans le domaine national par exemple, rien n’interdit d’y faire une nouvelle procédure d’immatriculation dans la stricte légalité.

 

 

Mots clés

Annulation du titre foncier

Immatriculation irrégulière

Voix de recours

Faute de l’administration

Fraude du bénéficiaire

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